Un article de Charles JULIET publié dans le journal LA VOIX DE L'AIN
29/06/2011
L A C R I S E
Charles Juliet
En septembre 2008, venue des Etats-Unis, plus exactement de la ville de Cleveland, une crise financière, économique, sociale, a déferlé sur l’Europe. Par la suite, elle s’est étendue à d’autres pays. Jusqu’à devenir une crise planétaire. Des millions de gens en ont subi le contrecoup, soit qu’ils ont perdu leur travail, leur maison, soit qu’ils ont été complètement ruinés.
Wall Street avait dû reconnaître que vingt-et-une banques avaient monté cette arnaque dont il est résulté un épouvantable fiasco.
Ces banques avaient poussé de braves citoyens à acquérir leur maison. Elles leur consentaient des prêts qui paraissaient au premier abord avantageux, mais qui comportaient des intérêts progressifs. Après un certain temps, ces personnes ne parvenaient plus à effectuer leurs remboursements. Ils étaient alors jetés à la rue, on saisissait leur maison, et ils perdaient les sommes déjà versées. Ainsi des centaines de milliers de ces pauvres gens ont-ils été dépossédés de tout ce qu’ils avaient.
Enorme scandale qui, par un effet de boomerang, a conduit certaines banques à déposer leur bilan et à ruiner les clients qui avaient déposé là leurs économies.
Les prêts étaient proposés par les banques à des gens simples, parfois plus ou moins illettrés, incapables de lire un contrat, incapables de flairer le piège qui leur était tendu. A la vérité, ces contrats étaient conçus avec l’idée qu’ils devaient finir par ruiner ceux qui se laisseraient appâter. Cette vaste opération concoctée par des professionnels de la finance, d’une malhonnêteté criante, avait d’ailleurs été appuyée par des hommes politiques, par les autorités de la finance, par des hommes politiques, par les autorités de régulation, et même par des universitaires habilement stipendiés
Il y a cent ans, Dostoïevski avait noté dans Les frères Karamazov : « Si Dieu est mort, tout est permis ». Nous pouvons constater aujourd’hui qu’il avait vu juste. De nos jours, avec l’argent roi, ce qui règne, c’est la loi de la jungle. Individualisme forcené, compétition à outrance. Seule obsession : la recherche du profit, et à travers lui, la recherche du pouvoir et de la domination. Dans ces conditions, qui pourrait se préoccuper des intérêts des particuliers ? Parler de morale en certains milieux paraîtrait incongru.
Ces hommes haut placés qui transgressent les règles et les lois, on continue de s’adresser à eux comme s’ils étaient des personnes respectables, alors qu’ils ne sont ni plus ni moins que des tricheurs, des voyous.
L’impunité de ceux qui dominent, se sentent intouchables.
L’accélération de la vie, l’apparition des nouvelles techniques de communication, la possibilité de parcourir de longues distances en peu de temps, l’irruption de graves problèmes auxquels nous n’avions jamais été confrontés et que nous ne savons pas aborder…, tous ces facteurs ont provoqué des ruptures semblant avoir inauguré une nouvelle ère de la civilisation. Des pans entiers du passé ont disparu, et il nous faut maintenant apprendre à vivre dans un monde qu’il nous reste à apprivoiser. Comme d’autres, notre société a été ébranlée par cette succession de séismes qui ont fissuré les piliers sur lesquels elle était établie.
Des êtres fragiles, démunis, des jeunes exclus du savoir et de la consommation, se sentent perdus, redoutent de perdre pied. Des rancoeurs, des intolérances, des haines s’accumulent tandis que les avidités s’exacerbent, que la révolte gronde, est sur le point d’éclater.
Inévitablement la crise a gagné les cœurs et les consciences.
Que penser de cet homme qui, pour de fallacieuses raisons, ferme son usine pour en construire une autre à l’étranger sans se préoccuper du drame dans lequel il plonge des centaines d’ouvriers soudain privés de leur travail ? Que penser de cet homme ? N’est-il pas profondément méprisable ? Ne devrait-il pas être mis au ban de la société ?
Ces jours, on parle à la radio d’une usine qui dans quelques mois va fermer et mettre au chômage quelques trois mille cinq cents ouvriers.
La France est un pays riche. Elle se situe, je crois, au cinquième ou sixième rang des puissances industrielles. Mais les chômeurs sont maintenant plus de trois millions et le nombre des sans-abri ne cesse de croître. Notre société est inique. Les riches deviennent toujours plus riches, les pauvres toujours plus pauvres. Pour ceux qui n’ont pas les moyens de faire face, à la pauvreté succède bientôt la misère, puis la précarité, puis la déchéance. Chaque hiver, en France, trois ou quatre dizaines d’hommes et de femmes meurent de froid dans les rues de nos villes.
La crise est dans les cœurs et les consciences, et bien souvent, nous avons l’impression de vivre dans une société malade, une société qui se défait, se délite.
Barbarie au quotidien, scandales à répétition, corruption, acquis sociaux en régression, trafics d’influence, habitude prise par nos dirigeants de falsifier la réalité, de mentir systématiquement et avec cynisme… A force d’avoir été déçus et trompés, nous ne savons plus nous indigner, nous révolter. Toutefois, il faut se garder de céder à la désespérance. Ne pas perdre de vue que le plus grand nombre de nos compatriotes apportent honnêtement leur contribution à la bonne marche et au développement de la société. Savants, chercheurs, médecins, soignants, enseignants, ouvriers, artisans, fonctionnaires sans oublier les pêcheurs et les paysans à qui nous devons notre nourriture, tous travaillent avec le plus grand sérieux et la plus grande probité ! Là est le source qui réconforte et nous permet de garder confiance en l’avenir.
Une société est faite de la réunion des hommes et des femmes qui la constituent. Tel est l’homme, telle sera la société. Celle-ci ne changera que si l’homme entreprendra de se changer.
J’ai entendu à la radio qu’il faudrait moraliser le monde de la finance et de la politique. C’est évidemment une plaisanterie. Pourquoi les hauts responsables des finances et des grands groupes d’affaires, pourquoi les membres des oligarchies en place, pourquoi ceux qui mènent le monde voudraient-ils changer ? Ils sont les exploiteurs, ils sont les prédateurs. Il n’y a aucune raison qu’ils veuillent modifier une situation qu’ils ont façonnée et dont ils tirent de copieux avantages.
Preuve de ce que j’avance : la crise n’a nullement mis fin aux pratiques qui ont cours. Les banques et les traders continuent d’accumuler des bénéfices faramineux. Pour ma part, je ne vois pas comment les choses pourraient s’améliorer. Je pense même qu’elles ne devraient aller qu’en empirant Avec des riches toujours plus riches, des miséreux en toujours plus grand nombre.
Peut-être faudra-t-il que tout s’écroule pour que s’effectue un formidable retournement, pour que nos sociétés se construisent sur de nouvelles bases, qu’elles soient conduites par des hommes résolus à respecter certaines valeurs éthiques, consentant à admettre que la seule consommation ne peut donner un sens à la vie. Alors des forces vives pourront-elles peut-être supplanter les forces qui nous tirent vers le bas.
Charles Juliet a publié aux Editions P.O.L. une trentaine d’ouvrages, notamment un Journal en six tomes, plusieurs recueils de poèmes, ainsi que deux récits L’Année de l’éveil et Lambeaux, livres repris en Folio.
la force des hommes, est la capacité de s adapter, d aimer.
peut-etre cette force, saura-t-elle créer dans l univers une force qui nous poussera non, a consommer, mais à se remettre en question, soi-même, à voir ses propres besoins, et à avancer avec sa propre conscience, et non celle que l on nous dicte..
j espère que la solidarité entre tous fera changer le monde..
utopie ? naïveté ? peut-être..
moi, c'est le moteur qui me avancer.
amicalement,
iza lefèvre
Rédigé par : Isa Lefevre | 13/08/2011 à 11:27